Du bon usage du « truc » dans l’art comme dans le graphisme
Lors de ma visite de l’exposition rétrospective du peintre Sam Szafran (1934-2019), je me suis rendu compte que le « truc » fascine toujours les foules. Dans un entretien avec un jeune peintre, l’artiste confie lui-même se servir du « Truc » pour rivaliser avec les anciens, car à la loyale « cela serait impossible ». Qu’est ce que ce « truc » mystérieux ? Comment le repérer et est-il judicieux de s’en servir ? Voici nos réponses.
Un peu d’histoire pour comprendre ce qu’est le combat à la loyal. Quand Velasquez part pour l’Italie afin de peindre – entre autre – le portrait du pape Innocent X, il s’exerce d’abord avec un modèle, Juan de Pareja de la manière qu’il souhaite la plus naturelle possible. Le tableau aujourd’hui visible au MET, nous présente un homme dans une pose simple, habillé avec élégance mais sans ostentation. Son expression est neutre, et il en va de même pour le fond du tableau brossé par des touches vertes et grises. Et c’est de cette manière, en faisant fi du « truc », que Velasquez accomplit un des plus beaux portraits de l’histoire de l’art.
Le tableau ainsi fait, n’est intéressant que par la seule maîtrise du peindre, il n’est ni particulièrement étonnant, ni nouveau. Sa beauté est calme et persuade lentement.
Qu’est ce que le « Truc » ?
A l’inverse, le « truc » s’oppose à la manière naturelle de peintre par un surplus, censé ajouter en bout de chaine un élément venant palier les lacunes présentes dans la réalisation. Il est facile d’emploi, car plutôt que de remettre la peinture sur le métier en corrigeant les carences de fond, ce qui est fastidieux et ingrat car peu visible sur le résultat final. Il se propose de venir accoler au travail incomplet une astuce toute faite, valable pour toute autre peinture et qu’il suffit d’exécuter en suivant la recette (souvent déjà élaborée en amont).
Comment repérer le « Truc » ?
Si le truc se rajoute, c’est aussi quelque chose chose que l’on peut enlever. Reprenons l’exemple des Escaliers de Sam Szafran, nous pouvons y détacher assez simplement le dessin (en l’occurence la vue de l’escalier), du truc appliqué par-dessus (la perspective panoramique) et nous pouvons presque nous figurer ce que serait le dessin redressé dans une perspective simple, « naturelle ». Nous obtiendrions alors un dessin banal, sans intérêt.
Et c’est la tout le souci du truc, il n’est pas valable sur le temps long.
Tout regard un peu appuyé fini par le repérer,
l’écarter et révèle ainsi la lacune qu’il est censé cacher.
le « Truc », un détecteur de qualité
Prenons le tableau de Velasquez précédemment cité, tout ajout serait probablement une dégradation. Un effet de vibration par exemple, tel que le pratique Gerhard Richter, serait très dommageable : nous ne pourrions plus apprécier à leur juste valeur tous les détails de matières et de coloris utilisés par le peintre. Et je ne parle pas d’une déformation de la perspective à la manière de Sam Szafran.
Le « truc », c’est le filtre Instagram applicable à toutes les photos, mais surtout celles qui ne présentent pas d’intérêt.